vendredi 17 août 2012

1984 States contacts

Direction côte ouest

Il est temps de faire venir les grosses machines hollywoodiennes. Le Festival depuis ses débuts faisaient la fine bouche aux faiseurs de cartoons. Ils n'étaient acceptés que dans le cadre d'une rétrospective ou hommage et si celle-ci ne dépassait pas les années quarante. Bien sûr quelques stars - et pas des moindres étaient venus dans la cité savoyardes. Chuck Jones, membre du Jury (4e Jica en 1963), Friz (Isadore) Freleng (4e Rica en 1982) ou Saül Bass (1971) bien que ce dernier n'ait rien à voir avec le cartoon ; sa réputation étant plutôt liée à ses qualités de graphiste et à ses génériques pour Otto Preminger, Alfred Hitchcock...
Il faudrait qu'on me rafraîchisse la mémoire pour trouver d'autres noms !
Chuck Jones et Paul Grimault • Mrs. & Mr. Friz Freleng ; Raymond et Annie Maillet ; Michel Boschet et Barbara. • Saül Bass en plein lors du traditionnel picnic © André Gobeli.

Donc, tout un aspect de l'animation mondial, et pas la moindre, passait à la trappe. Producteurs, studios, réalisateurs, animateurs tous dans le même bain, et hop on tire la chasse. Avec de tels préjugés ça forgeait les esprits. Mais c'était dans l'air du temps. la Nouvelle Vague était passée par là remettant en cause tout un cinéma, dont celui en Studio. De nouveaux styles d'animation avaient vu le jour, etc. Je ne vais pas refaire l'histoire du cinéma d'animation, les ouvrages sur ce sujet existent à profusion.

Hollywood nous voilà !
L'idée était de pouvoir aussi booster le Festival avec la venue de Majors américaines. Le nouveau public d'Annecy demande cette ouverture qui devient indispensable à l'évolution du Festival. Il n'était pas question de renier l'actif culturel d'Annecy, au contraire, c'était son fer de lance. Il fallait rebondir dessus et intégrer, au nom d'une "culture", d'une mémoire", d'un "art" TOUT le monde, y compris ces "maudits" studios". Peut-on écrire "être moins sectaire" ? Il est évident que cette nouvelle idée allait faire des mécontent(e)s.
En route, en vol, pour les Etats-Unis. Ca se passe en août 84. Arrivée à New York City où Nous retrouvons Simone Derobert et John Canemaker (1) qui m'héberge une nuit chez lui le temps de retrouver mes amis Bruce et Marie absents qui doivent prendre le relais dans Little Italy...
On fera un crochet par le Festival d'Ottawa (qui se passe à Toronto cette année-là) où j'y retrouve Tonton-Ed-Herscovitz qui me dépanne de quelques dollars. Au bout d'une semaine de festival (toujours agréable même si la ville est relativement attrayante) nous (votre serviteur, Jean-Luc Xiberras et Anne-Marie Meneux) nous envolons pour Los Angeles. C'est la première fois que je découvre la cité des Anges. Je suis plus habitué à la côte Est avec la Grosse Pomme. Je n'ai pas un coup foudre débordant pour la ville. Mais peut-on parler de "ville" cette enfilade de banlieues où tu n'existes pas si tu ne possède pas une voiture. 
acte 1 : Disney' Studios
On loue un véhicule et direction Burbank, le quartier des Studios Disney. Un motel à quelques pas sera notre Q.G. Le lendemain, directement, nous nous dirigeons vers le Temple. Un gardien black, d'une rare indifférence, nous accueil comme des touristes lambda qu'il croise chaque jour de l'année et nous autorise à entrer (après avoir laisser nos appareils photos comme si nous pénétrions à Fort Knox). Dans un minuscule bureau, transformé en mini-musée, il y a accrochés au mur des cadres avec des images de dessins animés, des techniques, des objets du pré-cinéma. Un brave employé, soit-disant Grand Maître des lieux, nous fait une  visite guidée en bonne et due forme insistant pédagogiquement sur les base du dessin animé et de la lourdes chaîne de fabrication : Script, découpage, story-board, lay-out, animation, décor, cleaning, trace-gouache prise de vue, montage, enregistrement des bruits, des paroles, de la musique, synchronisation, etc., etc. C'est, fastidieux et… emmerdant. Faudra lui couper discrètement la parole à ce moulin pour placer le but de notre voyage et de notre visite en ces Studios vénérés par le monde  entier (un peu de brosse à  reliure ne fait pas de mal). Il nous écoute sagement et poliment (il suit les consignes managériales) mais ce n'est pas le bon interlocuteur (ça, on s'en était aperçu depuis belle lurette). Cependant il prend note de notre visite, de nos souhaits quant à la future venue des Studios. Échanges de cartes et l'affaire est dans le sac...(2)
Visite inévitable de L.A. en voiture.

acte 2 : Frisco', ILM
DIrection le Nord, San Fransisco. Objectif rencontré quelqu'un de Ilm. Autre haut lieu du cinéma et surtout de l'animation par ordinateur, effets spéciaux et tutti quanti… San Raphael (une vingtaine de km au nord, après avoir traversé le Golden Gate), là où se trouve l'antre de George Lucas. Vous savez ce qu'est un bide ? Ce fut mé-mo-rable. En fait de studios, très bien cachés dans la nature nous n'avons  vu d'Ilm que la boîte aux lettres. Connaissant Jean-Luc il ne s'arrêtera pas à cet échec et reviendra à la charge le moment venu si bien que le studio sera accueuilli au Festival quelques années plus tard dans les années 90 (j'y reviendrai car, là aussi, ce fut mé-mo-rable!). Il n'y a rien  d'autre a faire que du tourisme donc visite du Frisco traditionnel, avec descente en voiture de Lombard Street, visite de Chinatown et dégustation de crevettes sur le port. En plus il fait froid. Inutile d'y faire de vieux, nous repartons pour le  Sud.

acte 3 : Mallibu Colonyn farniente et coca-cola
De retour (la queue basse) à Los Angles. Petit ennui sur l'autoroute (un excès de vitesse) d'Anne-Marie qui doit jurer sur la Bible au motard qui nous a arrêté de ne plus  recommencer. Good Girl! Le séjour à L.A. s'achève touristiquement avec la visite inévitable de Disneyland (le vrai, celui d'Anaheim) et d'Universal Studio. Enfin on rend visite à Fini & Bill Littlejohn à Malibu Colony situé à une bonne quarantaine de km de Burbank. "Vous verrez ce n'est pas loin", nous a-t-elle affirmé. Mouais !
Au centre Bill et son épouse Fini.

Bill/William Charles Littlejohn (27/01/1914 - 17/09/2010. Merci Imdb) est un fidèle du Festival d'Annecy et membre actif de l'Asifa dont il fait partie au Conseil d'administration. Le l'ai croisé à chaque édition dans les années 70 sans vraiment l'aborder car il était vraiment impressionnant avec sa carrure et son air de Texan bourru. C'est lors de l'édition 81 que Tonton-Ed crée le lien et je découvre un vrai bonhomme, marrant, plaisantant et chaleureux.
Bill et sa femme Fini (elle parle français) nous accueillent un soir dans leur maison de Malibu Colony au bord de la plage. Hélas June Foray (3) est absente. La soirée est évidemment très agréable. La douceur extérieure nous permettra d'improviser une petite balade sur la plage et de découvrir que leurs voisins sont Barbra Streisand ou Paul Newman (entre autres). Oups!


Bill Littlejohn. Courtesy of the UCLA Animation WorkshopJune Foray.

La soirée riche en discussion, nous a permis de mieux découvrir Bill, un animateur qui croisa tout ce que l'animation américaine avait pu engendrer. Mais le côté le plus étonnant et cocasse de se personnage c'est qu'il a été comme une sorte de gauchiste là-bas. Militant syndicaliste il en a vu des vertes et des pas mûres. Activiste, son militantisme lui a été fatal. Il n'a pas toujours été persona grata dans le milieu du cartoon. Il en est que plus sympathique à  mes yeux
La grande grève de 1941 se souviendrait-elle encore de lui ? 
Hélas, sa venue en France se fera plus rare pour complètement disparaître. Retraite anticipée ? Non réélection au bureau de l'Asifa ? En tout cas Annecy a perdu une  occasion de rendre un réel hommage.


acte 4 : Mr. Chuck Jones himself
Dernier événement culturel et grand moment d'émotion, c'est ma rencontre furtive  avec Chuck Jones lors d'une projection organisée par l'Asifa Hollywood. Du 19 juin au 2 juillet avaient eu lieux les Olympiades du film d'animation, juste avant les jeux officiels.
Fini Littlejohn s'y est énormément investie (http://www.awn.com/mag/issue1.4/articles/deneroffini1.4.html). La soirée devait peut-être faire écho au palmarès des 50 Meilleurs films d'animation de tous les temps. En tout cas, Chuck Jones était bien là. Tonton Edouard fit la liaison et je serrais la main, plus intimidé que jamais, marmonnant des idioties en franglais... Plus occupé par des vieux amis et des journalistes qui le suivaient de près, il s'éclipsa rapidement. M'en fous. Chuck Jones était bien vivant et je l'avais vu ! Le contact ne sera pas rompu car, un peu plus de dix ans après, j'éditerai (Dreamland) en français son livre Chuck Amuck.

Tout voyage a une fin. Jean-Luc et Anne-Marie reprennent l'avion pour Genève, quant à moi, je poursuis mes vacances en faisant une petite virée en Greyhound via Phoenix et Las Vegas...

1. John Canemaker est un homme adorable, un historien de l'animation de très niveau, cultivé, intelligent et un vrai passionné du dessin animé. Collectionneur averti ses murs  sont encombrés d'originaux de Winsor McCay (Gerie) et de Chernobog le diable d'Une nuit sur le mont Chauve (Fantasia) animé par Bill Tytla. Miam...
 Je l'ai connu lors de mon premier voyage à N.Y. en 1975, un week-end vite passé, une escapade depuis Montréal où nous étions tout un groupe de jeunes français en visite (avec l'Ofqj) pour y découvrir l'animation. Trois semaines de vacances-découvertes. Lors de ce week-end, John nous avait fait découvrir les derniers hauts lieux du cinéma américain, dont la visite d'un studio - le dernier - une grosse bâtisse cubique comme on en voit à Hollywood. Le bâtiment, situé dans la banlieue le Bronx ou le Queens, je ne sais plus très  bien, devait dater des 30 ou 40, dernier vestige d'une époque qui avait vu passer les noms les plus prestigieux du 7e Art. Tout cela allait être rasé. 
2. La concrétisation se fera l'édition suivante en 1985 avec la  venue de ILM pour une séance mémorable (voir la page) et en 1987 avec Les Chefs-d'œuvre de Walt Disney en avant-première et en 1989 Présence de Walt Disney avec un programme Mickey Mouse War Shorts (supprimé au dernier moment ?) ; le long-métrage Oliver ans Company et une délégation menée par Peter Schneider vice-président de la production des longs-métrages.
3. June Foray qui fêtera ses 95 printemps en septembre mériterait elle aussi une standing ovation à Annecy. Malgré son âge, elle continuerait son activité professionnelle : le doublage. Depuis les années 50 elle prête (donne) sa voix à tout ce qui bouge chez les toons. Elle a cotoyé les plus grands Tex Avery, Disney, C. Jones, F. Freleng, etc. Je l'ai connue en même temps que Bill Littlejohn. Je lui consacrerai aussi une page. C'est la moindre des choses.


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